L'histoire de l'homme - La Renaissance

 

... Ce qui nous mène tout droit à l'époque dite de la renaissance

L'amour au XVe et au XVIe siècle était bien différent de notre conception actuelle de ce sentiment. Notre jugement actuel sur l'amour est influencé par notre profond individualisme, l'amour actuellement pour notre génération est une affaire privée entre deux personnes. L'amour au XVIe siècle était une affaire publique, privée, collective, individuelle, sociétale, religieuse, profane et divine à la fois.

L'amour au XVIe siècle était un contrat, accompagné de sacrifice, pour l'amour de la famille, pour le bien et le pire. Le couple était synonyme de mariage dans les classes aisées, et aussi synonyme de concubinage dans les classes défavorisées. Les états européens tentaient d'organiser autant que possible le couple sur le plan économique et juridique, le discours religieux organisait les relations intimes et personnelles dans le couple, la filiation, et l'éthique au sein de la famille.

La famille en 1500 était élargie, aux servantes et autres domesticités dans les classes aisées. La cellule familiale était un lieu de vie, un lieu d'éducation, et d'instruction en raison de manque ou de l'absence d'écoles. La famille était également un lieu de contrôle social ; le comportement social était codifié, surveillé. Le bien-être de la cellule familiale exigeait des époux, sacrifice et loyauté. Les grandes familles en Europe avaient leur éthique et leur tradition. L'honneur de la famille était plus valorisé dans les cultures de la Méditerranée. Cet honneur exigeait sacrifice, hospitalité, vertu et générosité. Le rôle de la femme dans le couple était complexe, le discours religieux l'invitait à la chasteté, à la vertu, à maîtriser son désir sexuel, à ne pas séduire, alors que le discours sociétal exigeait d'elle de satisfaire son mari, de faire de son mieux pour engendrer. Après la maternité, le rôle principal devient l'éducation et les soins des enfants.

La famille était également un lieu de protection, chaque famille devrait assurer sa sécurité dans un siècle de voleurs, de bandits, et des guerres.

La sexualité féminine était à la fois reconnue, encouragée par un discours relatif à la procréation, considérant le désir sexuel féminin comme un élément favorable à la fertilité, et contrôlée par un discours religieux popularisé par les textes de Saint-Augustin sur la chasteté même au sein du mariage.

En dépit d'un discours mettant l'accent sur l'amour ou sur l'attirance sexuelle, le mariage et le couple étaient essentiellement une affaire économique, principalement dans les familles aisées. Le couple étant avant toute une organisation des biens, de leur transmission et de leur protection.

Le sentiment amoureux au XVIe siècle n'est pas apprécié, mais plutôt redouté, car considéré comme une maladie ou une souffrance. L'amoureux est décrit comme un malade qui perd sa santé, et son appétit, son esprit, il souffre par manque et par jalousie. Ainsi on favorisait le couple de raison et le mariage arrangé. Il faudra attendre la moitié du XVIIe siècle, l'apparition des lumières pour commencer à discuter le rôle des sentiments dans le couple et dans le mariage.

Celui-ci n'est pas la règle en dépit des paroles d'église encourageant les fidèles à célébrer leur union devant Dieu. Le concubinage est largement présent dans les classes populaires sous forme de relations conjugales accompagnées d'habitat commun, sans officialisation de cette union devant l'église ou devant les autorités civiles. Ce système de concubinage était bien toléré comme un système alternatif au mariage. Le statut de la concubine variait d'une région à une autre.

La courtisane est une prostituée exclusivement ou presque, mais bien éduquée, belle, maîtrisant une certaine forme d'art, jouissant d'une indépendance économique et personnelle dépassant l'indépendance des autres femmes célibataires ou mariées. Les courtisanes étaient plus présentes en Asie qu'en Europe. Elles jouaient un rôle qui dépassait le rôle de la prostituée ordinaire, un rôle à la fois sexuel et émotionnel, une sorte de " compagne " raffinée et compréhensive.

La nature du mariage au XVIe siècle distinguait l'amour de la sexualité, invitant ainsi les hommes dans les bras de femmes en dehors du couple. L'essor économique modifia profondément la société et favorisa le les contacts avec d'autres cultures.

À la renaissance, la courtisane avait plus d'indépendance que les épouses, avec plus d'habilité sexuelle et de culture que les femmes mariées. Les hommes puissants exhibaient leurs courtisanes. Ces dernières avaient la même aisance financière que les femmes mariées.

La courtisane va disparaître progressivement en Europe puis plus tardivement en Asie au XXe siècle.

La maîtresse était présente comme dans les autres civilisations. Les maîtresses étaient nombreuses dans les classes dirigeantes. Il s'agissait de relations conjugales sans lien de mariage, une sorte de relation extraconjugale exclusive. La maîtresse avait une place différente de la courtisane, était parfois mariée, et partageait une fidélité sexuelle entre son mari et son amant. En France, on utilisait le terme " la favorite " quand il s'agit de la maîtresse du roi. On peut citer l'exemple de Diane de Poitiers (1499-1566) qui fut la maîtresse du roi Henri II à l'âge de 15 ans, épouse Louis de Brézé, 40 ans son aîné et époux à qui elle donna deux fils. Après le décès de son mari, à l'âge de 31 ans elle a une relation avec le prince d'Orléans qui va épouser Catherine de Médicis et va devenir Henri II. Diane de Poitiers avait 38 ans quand elle devient la maîtresse du roi, alors âgé de 19 ans. On rapporté que le roi de France passait le tiers de sa journée chez Diane de Poitiers. Il a été vu plusieurs fois assis sur ses genoux en train de caresser les seins de sa favorite.

On pouvait dire que l'Europe de la renaissance est peuplée de relations polygames semi-officielles. On retrouve les mêmes formes de relation dans l'Europe du Nord comme dans l'Europe du Sud, dans le harem oriental, comme dans le système de concubinage en Asie.

Il est difficile d'évaluer l'importance de la multiplication de ces formes de couple sur l'expression ou sur la validation du désir sexuel masculin ou féminin dans une Europe tiraillé entre la chasteté avec les écritures de Saint-Augustin, et la frivolité des relations sexuelles avec les maîtresses, les courtisanes ou les prostituées.

Les manuels de conseil sexuel n'étaient pas rares en Europe pendant le XVIe siècle, des manuels anciens comme celui d'Aristote conseillaient le mari d'amuser sa femme, de trouver les mots et les gestes pour augmenter son désir, pour améliorer la vie sexuelle du couple, comme le manuel sexuel d'Ovide. L'utilisation de Manuels sexuels si anciens révèle la stagnation du discours général sur la société, sur le couple, sur la sexualité. L'Europe de la renaissance reste fidèle aux acquis scientifiques et médicaux de l'empire gréco-romain.

À cette époque, avant l'imprimerie, bien que les connaissances en médecine soient rares, elles étaient réservées à l'usage des classes aisées, et instruites. La diffusion de ces manuels sexuels anciens confirme la présence d'une sexualité ludique et récréative dans l'Europe de la renaissance, une sexualité où l'expérience sensorielle avait sa place, où la confiance dans la nature et dans l'humain était le mot clé. Il faut attendre les siècles de lumières pour sortir de ce schéma, pour acquérir d'autres connaissances médicales et scientifiques, et pour changer d'approche, pour que le l'humain domine la nature et non pas de la subir.

La vie intime au XVIe siècle est influencée par plusieurs discours, par le discours scientifique et médical, par le discours religieux formulé par l'église, et par un discours sociétal insistant sur le rôle de la famille.

En 1417, Poggio Bracciolini va publier pour la première fois en Europe les poèmes de Lucrèce, sur la nature des choses, révélant pour la première fois la présence d'une philosophie épicurienne dans la Grèce antique. Les trois lettres d'Épicure vont être publiées en 1533. La philosophie épicurienne insistant sur l'importance du désir et des plaisirs dans la vie influencera progressivement la renaissance.

Lorenzo Valla publie son livre " de voluptate " pour défendre les idées épicuriennes. La philosophie épicurienne sera un prétexte pour discuter l'importance des plaisirs dans la qualité de vie, et dans la société par rapport à la vertu. Les poèmes de Lucrèce consacrant les plaisirs sensuels furent l'occasion de critiquer la philosophie épicurienne, car rejetant le divin et l'immortalité de l'âme.

En dépit de discours religieux assez austères à la renaissance, la sexualité continuait à être débattue et discutée. L'arrivée en Europe des travaux de la médecine arabe va révéler aux Européens de la renaissance l'existence de grands médecins comme Galien, Hippocrate, ou de grands médecins arabes comme Avicenne ou Averroès.  Cette modernité médicale va modifier profondément la sexualité à la renaissance, on parle ainsi de double semence, la rencontre entre la semence féminine et la semence masculine comme l'explication de la procréation humaine. Ainsi, le plaisir physique engendré par la sexualité fut validé et encouragé, selon le texte de Galien et d'Avicenne, car ce plaisir sexuel, surtout féminin, était supposé améliorer la fertilité, et la procréation.

On discuta longuement le désir sexuel masculin, et la jouissance féminine.  Hildegarde de Bingen a insisté que les hommes ont un plaisir concentré, tandis que les femmes ont une expérience plus diffuse.

Dans l'Europe de la renaissance, l'adultère était considérée comme une corruption, une faute grave, une agression contre la famille, et contre la société. Cependant, si l'église et les moralisateurs considéraient l'adultère comme un crime, la société était plus indulgente. Les punitions ne dépassaient pas une amende, ou une demande publique de pardon. Mais il est important de distinguer l'adultère féminine, de l'adultère masculine. L'infidélité des femmes était lourdement punie, surtout quand il s'agit des femmes épouses de puissants comme les deux épouses du roi d'Angleterre Henri VIII. Le divorce étant non possible, l'adultère était utilisée comme un moyen efficace d'annulation du mariage. Cela pourrait expliquer la multiplication des affaires d'adultère en Europe à la renaissance.

La prostitution n'y était point en reste, en effet au XVIe siècle, il est fréquent que chaque municipalité assure la gestion de ses bordels, de Paris à Toulouse, de Francfort à Londres. Le désir sexuel masculin était considéré comme un élément de trouble. La prostitution était considérée comme une solution acceptable. Ces bordels à la renaissance étaient gérés par des hommes d'affaires, organisés, surveillés par les autorités sanitaires, pour lutter contre les maladies vénériennes d'autant que le XVIe siècle fut le siècle de la syphilis. L'apparition de cette maladie a réduit nettement le nombre des bordels en Europe à l'époque, a accentué la surveillance sanitaire. Cependant les états européens étant faibles, les bordels illégaux étaient fréquents. 

Le terme chasteté était synonyme de personnes vierges ou célibataires, se référant spécialement à une abstinence sexuelle. La chasteté était encouragée même au sein du couple et au sein du mariage. C'était l'époque des moralisants néoplatoniciens qui ont eu leur succès à la renaissance. Le corps traduit l'état d'esprit selon Saint-Augustin, la chasteté était aussi bien une affaire d'actes qu'une affaire d'idées.

Selon Saint-Augustin, la chasteté traduite une vertu de l'esprit, c'est une exigence morale à l'intérieur de l'église, à l'intérieur du couple et à l'intérieur de la société. La théorie médicale de l'époque pensait que la femme était plus chaude que l'homme, plus disposée à tomber malade et à devenir hystérique. Le désir sexuel féminin devrait être encouragé selon les idées de l'époque pour améliorer la fertilité de la femme. En face de qui, les idées moralisantes encourageaient une chasteté qui évite la parole déplacée, les idées impures, le maquillage, et les yeux trop flâneurs. Il s'agit d'une tendance moralisante interdisant toute expression sexuelle, même au sein du couple.

Il est possible de dire que le plaisir sexuel féminin pendant l'acte sexuel était devenu un sujet important et valorisé, même recherché durant la renaissance européenne, sous l'influence des travaux médicaux et philosophiques diffusés à l'époque.

Les croyances au Moyen Âge s'alignaient sur croyances de l'empire gréco-romain, et les théories médicales et philosophiques de Galien et d'Hippocrate. La théorie de double semence était incontournable pour expliquer la procréation, l'embryon était le résultat d'une semence masculine et d'une semence féminine. Le sperme masculin était facilement identifiable, les spéculations allaient bon train sur la nature de la semence féminine.

Le plaisir féminin
L'héritage médical de l'Empire romain a lié progressivement la procréation au désir sexuel féminin. Les époux étaient conseillés de rechercher le désir sexuel autant que possible, pour améliorer leurs chances d'avoir un enfant. La médecine arabe, bien que brillante sur de nombreux points, ne pouvait modifier réellement la théorie d'Hippocrate et de Galien. Le lien entre le plaisir sexuel féminin et la procréation était admis, validé. Au XIIIe siècle, des livres médicaux confirmaient qu'une prostituée, ou qu'une femme violée ne pouvait tomber enceinte, car coucher pour de l'argent ou par la force ne pouvait produire un désir sexuel, ne pouvait produire une grossesse. En cas de viol, une femme qui tombe enceinte était considérée comme non violée. Le plaisir sexuel féminin et surtout l'orgasme avaient deux fonctions précises dans les documents scientifiques de l'époque : émettre la semence féminine, et recevoir la semence masculine.

Hildegarde de Bingen (1179) a largement discuté l'importance des jeux sexuels préliminaires sur les cuisses, sur les seins, le périnée, sur le nombril pour améliorer l'excitation de la femme, et faciliter, par conséquent, la grossesse. La notion des zones érogènes était inconnue, on parlait plutôt de zones sensibles.

Plusieurs anatomistes de la renaissance ont découvert le clitoris, on peut même parler d'une redécouverte, Charles Estienne a identifié le clitoris en 1545 ; Gabriele Fallope avait décrit le clitoris en 1550 ; Realdo Colombo a publié une autre description en 1559. La question n'était plus la description du clitoris, mais ses fonctions. On pensait que le clitoris est un pénis miniature et sans fonction, ou que les femmes sont hermaphrodites.

La théorie d'Aristote sur la conception par une seule semence celle de l'homme, trouve assez d'adeptes parmi les philosophes, ou les penseurs, mais la théorie de double semence était la plus admise parmi les médecins.

À la renaissance, on jugeait l'orgasme bénéfique pour la santé féminine. On pensait que les vierges et les veuves étaient exposées au risque de suffocation de l'utérus. Les sages-femmes massaient la vulve des femmes stériles pour améliorer leurs chances d'avoir un enfant. Le droit des femmes au plaisir sexuel était admis, reconnu par les canons de l'église, et dans les lois. Ce droit était parfois un motif de rupture du mariage à l'église en cas d'impuissance masculine par exemple. À Londres, les prostituées se chargeaient d'éduquer les futurs mariés sur la sexualité des hommes, et sur leurs droits à la satisfaction sexuelle dans le couple.

Le pénis d'abord
En dépit d'indéniables avancées scientifiques et médicales, l'Europe de la renaissance ignorait plus ou moins tout sur le désir sexuel féminin, par manque de données précises sur l'anatomie et sur la physiologie du corps féminin. La sexualité en général était été axé sur le pénis, l'érection et l'éjaculation,  des phénomènes faciles à identifier à l'oeil nu. On pensait que les femmes ne pouvaient pas avoir de désir sexuel sans le pénis. Cela explique l'approche de l'Europe de la renaissance vis-à-vis de l'homosexualité féminine. Le lesbianisme ne pouvait avoir un intérêt quelconque pour une femme, car, entre deux femmes, il manque le pénis, l'instrument principal du désir et du plaisir sexuels.

Au-delà de ces discussions philosophiques et médicales, la littérature populaire était en avance, comme d'habitude, sur le discours officiel. Cette littérature s'amusait à mettre en scène des amants sans culpabilité, dans des jeux sexuels impliquant la vulve et le clitoris. Si la littérature médicale doit attendre encore cinq ou six siècles (la littérature populaire parlait déjà de cunnilingus, fellation) pour comprendre l'importance du désir féminin et masculin.

On retrouve dans la littérature populaire, comme celle des fabliaux (déformation en argot picard du mot fabuleux) des passages érotiques pour décrire les sensations féminines et masculines pendant l'acte sexuel. Ces passages dépassaient largement par leurs précisions les textes médicaux de l'époque.

Enfin, la médecine a également progressé durant cette période. Le XVIe siècle a bénéficié des avancées scientifiques et médicales élaborées par des médecins talentueux comme André Vésale et comme le chirurgien français Ambroise Paré (1510-1590). Ces études scientifiques sont le fondement de la science moderne, associant une approche philosophique nouvelle formulée par des philosophes importants comme René Descartes (1596-1650). Il s'agit d'une avancée spectaculaire de la pensée scientifique et médicale.

Cependant, en dépit de ces avancées, des médecins brillants comme Thomas Willis (1621-1675) continuaient à théoriser sur l'hystérie. Willis pensait que l'utérus jouait un rôle important dans le fonctionnement du cerveau et du système nerveux.

En 1680, un autre médecin anglais, Thomas Sydenham (1624-1689), a édité un traité : une dissertation épistolaire sur les affections hystériques qui prétend que les symptômes hystériques peuvent simuler n'importe quel symptôme de maladie organique. Sydenham démontre que l'utérus n'est pas la cause primaire de la maladie, mais il existe une composante psychologique nommée hypocondrie. La sexualité féminine a  un lien avec l'hystérie à la renaissance.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Index et ordre de lecture - PARTIE 9 - Première sexualité (en pratique)

Index et ordre de lecture - PARTIE 4 - L'art de la drague pour les adultes

Index et ordre de lecture - PARTIE 5 - Les trois premiers rendez-vous